mardi 17 mars 2015

A SXSW, les Saoudiennes émancipées et la démocratie états-unienne sous le joug du dollar

Après une première journée à South by Southwest consacrée à Austin et le reste du Sud des Etats-Unis, et avoir pas mal couru avec mes collègues de French Morning New York arrivés samedi soir pour l'ouverture de l'espace d'exposition du festival et du French Tech Club dimanche, je prends enfin un moment pour vous résumer ma journée de samedi à South by Southwest,
Débutée avec une intervention de la princesse saoudienne Reema bint Bandar Al-Saud, cette journée était placée sous le signe de l'engagement politique et citoyen.
En effet, contrairement à l'idée préconçue qu'on peut avoir d'une princesse saoudienne, Reema bint Bandar Al-Saud est engagée dans l'insertion professionnelle des Saoudiennes au travers de la formation et de l'entreprise sociale qu'elle dirige, ainsi que dans la promotion du dépistage du cancer du sein, au travers d'une fondation s'étant fixé l'objectif de battre le record du monde du plus grand ruban rose humain en organisant un rassemblement de 10 000 femmes voilées en rose à l'automne dans un stade saoudien.
Etait-ce l'interdiction de photographier ou filmer la princesse Reema de face, l'attrait de nombreux Américains pour la royauté ou un sincère engouement pour la sensibilisation au dépistage du cancer du sein ? La principale salle de conférence du centre des congrès d'Austin était pratiquement pleine pour cette intervention.
En comparaison, le public de la conférence du professeur de droit d'Harvard militant pour une réforme du financement de la politique américaine Lawrence Lessig était modeste.
L'intervention du fondateur du fonds politique Mayday pour la fin de tous les fonds politiques était pourtant plus stimulante que celle de la princesse Reema bint Bandar Al-Saud à mon avis. La princesse saoudienne m'a séduite par son sens de l'humour, mais j'ai surtout admiré la rhétorique de Lawrence Lessig et l'excellente présentation qui la soutenait. Pour introduire le point de départ de son argumentation : l'idée que les Etats-Unis ne seront pas véritablement une démocratie tant que les plus riches et es grandes corporations influenceront les élections et les politiques menées, il a fait un détour par les élections primaires anciennement ségréguées du Texas et la mobilisation contre le comité de sélection des candidats aux élections à Hong Kong, soulignant que la part des citoyens américains donnant le chiffre moyen des dons politiques dans la population américaine (0,2%) est la même que celle des membres du comité hong-hongkongais de désignation des candidats aux responsabilités politiques dans la population de la région administrative spéciale de Chine...
C'était paradoxal de penser à l'émancipation dune partie des Saoudiennes et aux limites de la démocratie états-uniennes dans la même journée. Mais ça illustrait bien la validité du conseil de Reema bint Bandar Al-Saoud de "ne pas comparer". Les normes culturelles saoudiennes placent le pays à des années lumière de toute nation occidentale. Mais les inégalités de part le monde ne doivent pas empêcher des pays comme les Etats-Unis de balayer devant leur porte et continuer à faire progresser la démocratie dans tous les aspects de la vie quotidienne. "Il n'y a pas d'apathie vis-à-vis de la situation" de la part des citoyens américains pour Lawrence Lessig, mais "de la résignation" face à l'influence démesurée des plus riches dans le système américain.

vendredi 13 mars 2015

A SXSW, Austin, le Sud et le Midwest des Etats-Unis font leur autopromo

En attendant l'ouverture du French Tech Club dimanche, j'ai décidé que ma première journée à l'édition 2015 du festival South by Southwest serait consacrée au local. Je me suis donc rendue à une conférence/débat sur Austin : la nouvelle porte d'entrée pour les startups internationales, puis à une discussion sur le Sud et le Midwest comptent plus que New York et San Francisco. A la première, j'ai appris que "le Texas est un endroit merveilleux pour accomplir ses objectifs. Ici, on fait les choses. Les gens ne cherchent pas des excuses. Ils n'attendent pas que le gouvernement résolve leurs problèmes." Tandis qu'à la seconde, les débatteuses ont reconnu "quelques stéréotypes" attachés au Sud et au Midwest, mais qu'on pouvait aisément "les retourner à son avantage". Discours tenus par un startupeur québécois installé à Austin depuis vingt ans et une business angel ayant travaillé à Yelp et AirBNB.
Certes, Austin n'est pas un centre financier. Certes, les utilisateurs de nouvelles applications lancées dans le Sud ou le Midwest n'ont pas le même impact que ceux situés sur les côtes des Etats-Unis. Mais "Austin ne manque pas de business angels, et ce sont les premiers soutiens qui sont les plus difficiles à obtenir" pour Jean Belanger. Tandis que "les Etats-Unis sont un grand marché" et que "la force est dans les chiffres", donc la conquête du reste du monde depuis le Sud des Etats-Unis ou le Midwest ne pose pas de difficultés particulières pour Ligaya Tichy.
Même ma question sur la durabilité du développement exponentiel que connaît actuellement le Texas face aux défis sociaux et environnementaux qu'il représente au cours de la première conférence a amené une réponse volontariste d'un conseiller en stratégie de développement dans la salle. "Austin n'est pas illimité, mais l'Etat du Texas l'est". Pas de raison donc pour Angelos Angelou que le soufflé retombe. Et l'expert de prédire "une population de quatre millions et demi d'habitants à Austin d'ici 2035" (contre moins de deux millions à l'heure actuelle).
J'admire l'optimisme des Américains, mais je dois reconnaître que j'étais un peu déçue de ne pas trouver plus de capacités d'autocritique aujourd'hui. Du coup, j'avoue qu'on a dit un peu de mal des Américains avec visiteuse française pour South by Southwest.
Mais comme elle me disait en fin de journée : "chaque fois que je reviens aux Etats-Unis, je suis en choc culturel, mais ça fait du bien de mettre un peu d'optimisme américain dans son tempérament européen". Moi ça me fait du bien d'être dans le bain cosmopolite de South by Southwest pour renouveler mon regard sur Austin.

vendredi 13 février 2015

Bientôt un strip club sur Congress Avenue ?

Un strip club rejoindra-t-il bientôt la prestigieuse Congress Avenue d'Austin reliant le Capitole du Texas à l'Hôtel de Ville ? C'est la question que posent les médias locaux ce matin en rendant compte du dépôt d'un permis de mener des activités "pour adultes" auprès du service d'utilisation des sols de la mairie. Un projet qui fait déjà réagir les établissements voisins du site choisi, à l'angle de la cinquième rue, à l'emplacement de l'actuelle Geisha Room (qui figure parmi un classement des pires bars de crétins d'Austin).


Le Statesman rappelle que les précédents projets en ce sens ont échoué au centre-ville, du fait de la proximité d'écoles et d'églises avec les sites alors proposés. Même s'il s'avère que ce nouveau projet s'inscrit parfaitement dans les règles d'urbanisme, on peut craindre qu'il ait toutes les peines du monde à voir le jour sur une avenue aussi emblématique que Congress.
Toutefois, quand nous avons enquêté sur la traite sexuelle d'immigrées d'Amérique Centrale pour La Cité avec ma consoeur Mélinda Trochu, on nous a expliqué qu'il était normal d'avoir un déjeuner d'affaires au strip club dans le très conservateur État du Texas. Et nous avons pu constater que les strip clubs étaient partout à Houston, près du centre-ville comme de l'Energy corridor concentrant les entreprises du secteur ou de quartiers résidentiels des plus huppés aux plus modestes.

mardi 3 février 2015

Le futur visage du centre-ville d'Austin

La présentation hier de la future tour Austin Proper donne un aperçu du Austin des années à venir. Elle "rejoint plusieurs projets résidentiels en cours de construction ou prévus dans downtown" et "plus de quatre mille chambres d'hôtels, dont quelques grands hôtels faisant office de centre de congrès",  rappelle l'Austin American Statesman dans son édition d'aujourd'hui.

mardi 16 décembre 2014

Un riche avocat blanc plutôt qu'un Hispanique de la classe moyenne en passe de devenir maire d'Austin

Photo : City of Austin.
Les Austinites sont de nouveau appelés aux urnes aujourd'hui. A l'issue du scrutin du 4 novembre, deux candidats au poste de maire parmi les trois que je vous présentais dans mon précédent post sont en effet resté en lice : l'avocat Steve Adler et le conseiller municipal Mike Martinez, un ancien pompier et syndicaliste. Avec moins de quinze pour cent des suffrages exprimés, l'élue Sheryl Cole a été éliminée dès le premier tour, tandis qu'Adler arrivait en tête avec 37%, nettement devant Martinez à moins d'un tiers des suffrages.
Photo : Adler YouTube channel.
Il faudra attendre ce soir pour connaître les résultats de l'élection. Mais avec 56% des intentions de vote pour Adler contre 39% pour Martinez, les sondages de Public Policy Polling pour l'Austin Monitor augurent d'une écrasante victoire pour Steve Adler, qui manque pourtant d'expérience politique et n'apparaît pas spontanément comme un candidat naturel pour une ville où plus du tiers de la population parle une autre langue que l'anglais à la maison (contrairement à Martinez, Adler ne parle pas espagnol) et où le revenu annuel moyen par personne s'est établi autour de 30 000 dollars ces dernières années et affichant un taux de pauvreté proche de 20% (19,4% en moyenne de 2008 à 2012).
Adler est en effet le premier candidat à la mairie d'Austin à consacrer un budget de plus d'un million de dollars à sa campagne. Un million et 60 000 dollars auxquels il faut ajouter 300 000 dollars prélevés sur sa fortune personnelle.
En comparaison, les 414 817 dollars de la campagne de Mike Martinez font triste figure, même en prenant en compte les 100 000 dollars que le candidat a prêté à sa campagne.
Mais si on prend en considération le fait que Martinez fait campagne avec 28% des sommes dépensées en vue de ce second tour (soient moins de 40% de l'argent investi par les deux candidats dans cette élection et encore moins si on prend en compte l'argent prêté par les candidats eux-mêmes), ses résultats dans les sondages semblent meilleurs. Bien que cela n'ait pas d'impact sur le résultat de l'élection...
Photo : City of Austin.
Mais si le non-report de voix remportées par Sheryl Cole au premier tour (Mike Martinez s'étant durablement aliéné le vote afro-américain en critiquant maladroitement des fonctionnaires noirs de la ville en 2011, cf mon précédent post) et l'écart de moyens avec la campagne de Steve Adler sont des facteurs majeurs de cette élection, il me semble que Mike Martinez pâtit surtout du désamour des électeurs pour les élus en place. Si Martinez est le candidat préféré des Hispaniques et des moins de 45 ans comme l'indiquent les sondages, mais qu'il reste largement à la traîne dans les intentions de vote, cela signifie qu'il n'est pas parvenu à mobiliser son électorat. L'abstention approchait d'ailleurs les 60% lors du premier tour et on peut craindre qu'elle soit encore supérieure aujourd'hui, à l'issue de ce second tour organisé une semaine avant Noël.
C'est dommage s'agissant de départager des candidats proposant un choix clair, par exemple dans le domaine du logement, entre une exemption de 20% de taxe foncière pour tous les propriétaires (Adler) ou des exemptions restant ciblées sur les quartiers les plus fortement soumis au phénomène de gentrification (Martinez). Dans le domaine des transports aussi, je crains que les Austinites soient en train de rater un tournant important en favorisant un candidat qui insiste sur la fluidification du trafic routier plutôt que les alternatives à la voiture. Mais après tout ce serait cohérent avec le rejet d'une nouvelle ligne de train le 4 novembre...

mardi 11 novembre 2014

Austin, gay-friendly sans ghetto homo... pour le moment !

Facebook.com/rainon4th

Le Statesman a publié samedi un intéressant article sur "un projet de passages piétons arc-en-ciel qui définiraient un centre pour la communauté homo, bi et transsexuelle" d'Austin.
"S'il est vrai que le Warehouse District a hébergé des bars et restaurants homos depuis au moins trente ans" et qu"'il y a quelques décennies, on pouvait dire la même chose de Red River", "Austin n'a pas -n'a jamais eu- de véritable gayborhood, défini par un quartier affichant une forte densité de résidents, commerces et vie urbaine LGBTQ" en dépit de la "concentration de couples de même sexe" apparaissant dans les chiffres du Recensement, expose l'auteur.
Cela s'explique par le fait que l'émergence de gayborhoods tels que ceux de San Francisco et New York, mais aussi Dallas et Houston ait été lié au débarquement de personnels militaires gays et lesbiens dans les villes côtières ou d'importantes bases militaires Après-Guerre, explique l'auteur, en se référant à l'ouvrage There Goes the Gayborhood? récemment publié par le sociologue Amin Ghaziani.
Photo : Facebook.com/CastrosWarehouse/
Mais alors que nationalement, "les gayborhoods perdent une part substantielle de leur identité" avec la gentrification de quartiers homos et la plus grande acceptation de la population LGBT par le reste de la société, "Austin va en partie à l'encontre de cette tendance", affirme le journaliste. "Trois nouveau bars gays d'envergure -le Highland, Castro's Warehouse et V ont récemment ouvert ou réouvert dans le Warehouse District", souligne-t-il pour illustrer son propos. Les passages piétons arc-en-ciel accentueraient la tendance. Mais sans forcément modifier les habitudes de la population LGBT d'Austin. De tels symboles pourraient en revanche doper la fréquentation touristique d'Austin par des couples homos. Je pense que ce n'est pas un hasard si des investisseurs privés proposent de financer de tels passages piétons...